Communiqué de notre Evêque à propos des élections

Lettre aux catholiques des Yvelines

A la lumière de la pensée sociale de l’Eglise, quelques réflexions à propos des élections
Nous voici à nouveau devant une échéance électorale majeure, dans un climat politique pesant
et difficile. Beaucoup sont inquiets alors que notre pays semble s’engager dans une période
complexe et tendue. Dans ces circonstances, il nous faut revenir à l’essentiel, garder le cœur en
paix et cultiver le courage de la fidélité à nos convictions. Comme évêque de Versailles, je veux
redire ma confiance aux catholiques des Yvelines et à tous les hommes et les femmes de bonne
volonté qui habitent notre département.
Je vous fais part de quelques réflexions personnelles, en relisant le chapitre 8 du Compendium
de la Doctrine Sociale de l’Église1, qui nous rappelle avec clarté les principaux enseignements
de l’Église sur la vie et l’engagement politiques. (Je vous invite vivement à le relire vous-même,
avant de voter. Il est en libre accès sur le site du diocèse)
Notre responsabilité de citoyen : le chrétien ne peut se désintéresser du monde ni s’en
désengager, quelle que soit la situation. Pour lui, le vote est non seulement un droit, mais un
devoir. Les évêques et les prêtres ne sont pas là pour dicter votre vote – ce qui pourrait être vu
comme une forme d’abus de pouvoir infantilisant – mais pour vous encourager à exercer vos
responsabilités et vous rappeler les critères de discernement que propose l’Église pour éclairer
votre choix.
Accepter la complexité de la réalité politique : aucun programme n’est pleinement conforme
à l’Évangile, aucun candidat n’est idéal. Il n’y a donc pas un vote unique qui serait
« catholique » mais des catholiques qui votent en conscience. L’Évangile et la pensée sociale
de l’Église nous sont donnés pour éclairer notre conscience et nous aider dans notre
discernement. Quel candidat semble pouvoir servir au mieux le bien commun et une fraternité
authentique ? Quel programme semble respecter et promouvoir au mieux la dignité de la
personne humaine, et en premier lieu celle des plus petits, des plus fragiles et des plus pauvres ?
Quel candidat semble exercer au mieux son engagement comme un service, avec la compétence
que réclame sa charge, avec une certaine cohérence et fidélité, mais aussi une vraie liberté
intérieure ? Le Cardinal André Vingt-Trois écrivait en 2012 : « Nous devons soigneusement
distinguer ce qui relève de l’impossibilité de conscience et ce qui relève d’un choix encore
acceptable, même s’il ne correspond pas totalement à nos convictions, parce que, alors, un
bien, même modeste, reste réalisable ou peut être sauvegardé, en tout cas davantage que dans
d’autres hypothèses. Il ne s’agit pas de se résigner au moindre mal, mais de promouvoir
humblement le meilleur possible, sans illusion ni défaitisme, et simplement avec réalisme2 ».
Au cœur de la vie politique, le bien commun : le pluralisme politique est légitime chez les
catholiques. Mais nous sommes unis dans notre désir de servir le bien commun à la lumière de
l’Évangile. Nous pouvons faire des choix différents sur les moyens de servir ce bien commun.
Ce pluralisme est un défi pour nos communautés paroissiales et même pour nos familles ou nos
groupes d’amis. Il y a là aussi un témoignage à donner, alors que le débat politique est trop
souvent conflictuel et marqué par l’agressivité : la volonté et la capacité des chrétiens à se
retrouver, au-delà de leur choix politiques, pour réfléchir et dialoguer, pour prier et pour
s’engager au service d’une plus forte amitié sociale. Il s’agit alors de refuser la peur et la
violence, et demeurer des hommes et des femmes attentifs à reconnaître dans le visage de l’autre
le visage d’un frère ou d’une sœur.
Le beau défi de l’engagement politique : enfin, je veux redire mon profond respect aux
femmes et aux hommes, croyants ou non, qui s’engagent en politique, et les assurer de l’estime
que l’Église a pour cet engagement quand il est vécu comme un véritable service, respectueux
de la vie et la dignité humaines et soucieux de la justice sociale. Ceci nous invite à prendre le
temps de connaître chacun des candidats et de lire leur programme. Il nous faut résister à la
tentation du rejet de la classe politique ou du mépris de nos élus. Le contre-exemple parfois
scandaleux donné par certains ne doit pas faire oublier la générosité et l’authentique désir de
servir, présent chez beaucoup. Soyons exigeants et vigilants avec nos élus mais cessons aussi
de tout attendre d’eux. Soyons réalistes : la situation de notre pays est préoccupante par bien
des aspects. Il faudra du temps et du travail pour la rétablir. Tout discours simpliste n’est pas la
hauteur de la situation.
Quel que soit le résultat de ces législatives, les temps qui viennent ne seront pas faciles. Dans
les tempêtes qui agitent ce monde, les chrétiens ne perdent pas l’espérance. Ils voient dans ces
troubles un appel à une plus grande fidélité à la prière, à son devoir d’état, à ses divers
engagements et à la solidarité au service des plus éprouvés. C’est dans ces temps inquiets qu’il
nous faut apporter à notre société un « supplément d’âme » en servant la réconciliation, l’unité
et la fraternité. Les gouvernements passent, mais la France demeure avec son histoire, sa
culture, ses ressources spirituelles et humaines, qu’aucune crise ne peut faire oublier. C’est en
y puisant que nous pourrons ensemble participer à bâtir cette vie commune, cette paix véritable
fondée sur la justice et cette fraternité qui demeure au cœur de l’Evangile comme de notre
devise républicaine.
Versailles, le 24 juin 2024, fête de la nativité de saint Jean-Baptiste,
+ Luc Crepy
Evêque de Versailles pour les Yvelines